Le calvaire des étudiants sans-papiers en Guyane française

Article : Le calvaire des étudiants sans-papiers en Guyane française
Crédit: Nathaniel Tetteh / Iwaria
2 juin 2021

Le calvaire des étudiants sans-papiers en Guyane française

Avant la crise de la Covid-19, environ 20 % des étudiants de France
vivaient en dessous du seuil de pauvreté. La situation a explosé ces derniers mois. Une
enquête Ipsos
révèle à l’issue du confinement que 74 % des jeunes interrogés ont estimé
avoir rencontré des difficultés financières. Sans prêter attention à ces chiffres, notre équipe a
mené une petite enquête auprès des étudiants sans-papiers en Guyane et le moins qu’on puisse
dire, c’est que « la situation de beaucoup de ces étudiants sans-papiers est carrément
révoltante ».


Il est 6 heures et 43 minutes quand nous arrivons sur le Campus De Troubiran, situé au
2091 rte Baduel à Cayenne. Beaucoup d’étudiants sont déjà là, alors même que les premiers
cours ne commencent pas avant 8 h. Certains d’entre eux nous expliquent
pourquoi ils sont présents à cette heure ; des raisons qui n’ont pas grandes choses à voir avec
leurs études. Quant à nous, nous avons pris rendez-vous à 7 h, avec quelques étudiants,
pour une petite entrevue sur leur situation des étudiants sans-papiers. Plus tard dans la journée,
nous avions un autre rendez-vous avec deux étudiantes en L3 administration, souhaitant qu’on
les interroge à part et dans l’anonymat. Cette entrevue allait nous servir non seulement pour
l’enquête sur la situation des étudiants sans-papiers, mais aussi pour une autre enquête sur la
situation des femmes sans-papiers.

Il est difficile de quantifier les étudiants sans-papiers en Guyane, mais ils sont très importants par rapport à leur engagement sur le campus et leur participation à la vie étudiante. Ils participent à tout, s’engagent dans les associations, font du volontariat et du bénévolat, etc. Paradoxalement, à part le droit de s’inscrire à l’université, ils n’ont aucune autre prérogative par rapport aux autres étudiants.

Ils se sentent parfois exploités

Il y a beaucoup d’association d’étudiants sur le campus. Selon les témoignages de certains
étudiants, beaucoup de ces associations n’existent que sur papier. Les rares associations actives
ne s’intéressent pas vraiment aux problèmes des sans-papiers. « Beaucoup d’associations nous
demandent souvent de manifester avec eux contre la précarité étudiante. Leurs principales
revendications sont ; des augmentations pour les boursiers, la baisse des prix des chambres dans
les résidences universitaires, plus de job étudiant, etc. Alors que nous, nous n’avons pas le droit
à ces choses. On est prêt à lutter pour eux comme toujours, d’ailleurs. Mais quand nous, on veut
revendiquer pour des choses qui nous concernent, personne ne veut nous aider. Il arrive même
à convaincre certains d’entre nous que notre situation est normale »
, explique un étudiant en L3
droit sous les applaudissements des autres. « Nous sommes exploités, on se sert de nous pour
faire de l’argent, pourtant, nous, on n’a rien. On ne peut avoir ni job étudiant, ni aides, pourtant quand il faut bourriquer gratuitement, il n’y a que nous. On fait du bénévolat, on aide des gens
qui vivent mieux que nous »
, regrette un étudiant en mathématiques.

D’autres menaces hantent le quotidien de ces étudiants

En Guyane, étudiant ou pas, on ne peut pas se permettre de se balader dans la rue n’importe
comment quand on est sans-papier. Des voitures de la PAF (Police aux Frontières) parcourent les rues toute la journée en quette de personnes illégales. On n’a pas besoin d’être suspect pour se faire arrêter et
humilier, avant un possible renvoie à son pays d’origine, après avoir été détenu dans des
conditions pas franchement acceptables. C’est la principale raison qui explique la présence de tous ces étudiant à 6 h du matin sur le campus. Ils sont obligés de passer toute la journée
sur le campus pour échapper à la PAF ; parfois sans rien comme nourriture.

A part la PAF, d’autres menaces pèsent encore sur les têtes de ces étudiants. Par exemple, il y
a le problème d’habitation. En effet, beaucoup d’étudiants sans-papiers habitent dans des cités
informelles que la mairie peut décider de détruire à n’importe quel moment. Dans ces cités, ils
vivent généralement sans eau potable, sans connexion internet, et certains sans électricité. Ils
n’ont aucun revenu. Ils ne sont pas sûrs de pouvoir gagner même 50 euros par mois ; ce qui
pourrait paraitre invraisemblable est pourtant le cas de beaucoup de personnes sans papier en
Guyane. En plus de cela, certains se plaignent de comportements xénophobes, sexistes,
homophobes, dont ils sont souvent victimes ; parfois même d’agressions sexuelles.

Mettre son corps en danger

On a rencontré les deux étudiantes en administration plus tard dans la journée. Elles nous ont racontées leur péripétie pour pouvoir joindre les deux bouts. Selon leur témoignage, pour être capable de vivre et de continuer à venir à l’université, elles sont obligées de faire des choses pas belles et dont elles ne sont pas du tout fières. Elles sont obligées d’être en concubinage avec des personnes âgées pour être assurées d’avoir un toit sous lequel dormir. Mais pour avoir un peu d’argent, elles vendent de leur être.

« Si vous avez besoin de quelqu’un pour un moment ou pour une nuit, n’hésitez pas à nous
contacter »
, nous dit l’une d’entre elles à la fin de notre rencontre. « Ce n’est pas parce qu’on
aime ça, mais on n’a pas d’autre choix »
, avoue l’autre avec quelques larmes.

Attention : Nos textes sont comme des bouteilles à la mer. Ils invitent les grands médias à
venir en Guyane pour mener des enquêtes dans l’idée d’attirer l’attention sur des situations
que les médias locaux ne couvriront jamais.

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Commentaires

Wikendy AUGUSTAVE
Répondre

Je félicite l'auteur pour son enquête, franchement vous dites la vérité et la vérité pure, je souhaite témoigner moi aussi dans la prochaine enquête si vous voulez, parceque notre situation est gravement mal. Merci de pensé à nous.

Nidy Dave
Répondre

Merci beaucoup.
Si vous voulez témoigner aussi, vous pouvez me contacter en priver en cliquant sur l’un des icones (WhatsApp Facebook, Instagram, …) en haut à droit.